Opinion (Leo Van Dorsselaer) : La presse à emporter est-elle une solution au coût élevé de la distribution ?

Le coût de la distribution est aujourd’hui l’une des principales préoccupations des éditeurs de magazines et de journaux print. La distribution postale traditionnelle ou les abonnements pèsent lourdement, surtout pour les petits éditeurs et les éditeurs de niche qui ne bénéficient pas des économies d’échelle des grands groupes médiatiques. Une alternative possible qui se présente de plus en plus est la presse à emporter : des publications print gratuites distribuées stratégiquement dans des endroits où les lecteurs les emportent spontanément. Mais ce modèle peut-il vraiment devenir une solution durable?
Presse gratuite contre presse à emporter
Il est important de faire la distinction entre la presse gratuite classique et la presse à emporter. La presse gratuite est souvent distribuée ou diffusée sans être demandée, avec le risque qu’elle finisse à la poubelle sans avoir été lue. La presse à emporter, en revanche, demande un effort minime mais crucial de la part du lecteur : emporter activement le magazine. Cela augmente non seulement les chances que le magazine soit effectivement lu, mais donne également plus de valeur et de crédibilité à la publication.
La condition : un contenu fort
Le succès de la presse à emporter dépend du contenu. Une copie d’un dépliant publicitaire ne convaincra pas le lecteur. Il suffit de regarder les dépliants publicitaires au contenu hétéroclite que l’on trouve dans les présentoirs des parkings souterrains. Ce n’est que parce qu’ils ne voient pas la lumière du jour qu’ils ne « jaunissent » pas. La publication doit offrir une qualité journalistique et être pertinente pour le groupe cible. Ce n’est pas un hasard si un titre comme De Zondag a conquis sa place dans ce modèle : il combine une distribution gratuite avec uniquement des articles journalistiques pertinents et de qualité.
On peut établir un parallèle avec les podcasts : eux aussi sont disponibles gratuitement – ils cherchent encore désespérément un modèle économique – mais leur succès croissant est dû à la qualité et à la cohérence de leur contenu. Les podcasts sont en quelque sorte la variante auditive de la presse à emporter.
Distribution : plus simple et moins coûteuse
L’un des principaux avantages de la presse à emporter est la rentabilité du modèle de distribution. Alors qu’une mesure d’audience approfondie est financièrement irréalisable pour les petits éditeurs, un simple tableur suffit souvent pour la presse à emporter. En enregistrant le nombre d’exemplaires emportés et restants, il est possible d’ajuster en permanence les tirages et les points de distribution. Cela rend la formule flexible et évolutive.
Les avantages sont également évidents sur le plan logistique. La livraison de colis de 50 ou 100 exemplaires à des points de distribution stratégiques (hôtellerie, centres culturels, magasins, clubs de sport, etc., en fonction du créneau) coûte beaucoup moins cher que l’envoi individuel aux abonnés. De plus, de nombreux points de distribution considèrent l’offre d’un magazine gratuit et de qualité comme une valeur ajoutée pour leurs clients.
Pièges et opportunités
Les éditeurs ne doivent pas tomber dans le piège des publications superficielles et publicitaires. Dès qu’un magazine est perçu comme un prospectus publicitaire gratuit, la valeur ajoutée disparaît. La clé réside dans la recherche d’un équilibre sain : une base rédactionnelle solide, éventuellement complétée par une « publicité native » ou un « contenu de marque » incontournable et pertinent pour le lecteur. Nous constatons que cela s’est déjà imposé dans le secteur touristique. Souvent, les régions touristiques mettent à disposition des publications gratuites attrayantes, offrant ainsi au lecteur un contenu de qualité, pertinent et utile. Ce qui fait bondir les éditeurs du secteur commercial, c’est que cela implique l’utilisation de l’argent des contribuables et de financements publics. Mais cela nous amène sur le terrain d’un autre débat, beaucoup plus large.
Un pont vers les publications digitales
Un avantage souvent sous-estimé est que la presse à emporter peut servir de précurseur aux plateformes digitales. En renvoyant intelligemment vers des sites web, des podcasts, des newsletters ou des réseaux sociaux, une interaction se crée : la version print élargit la portée des canaux digitaux, tandis que les plateformes digitales renforcent et prolongent le magazine. Le résultat est gagnant-gagnant : les lecteurs bénéficient d’une expérience plus riche, les annonceurs d’une plus large portée et les éditeurs construisent un écosystème intégré dans lequel le print et le digital se renforcent mutuellement au lieu de se faire concurrence.
À qui ce modèle convient-il ?
Tous les titres ne se prêtent pas à la presse à emporter. Les publications de niche avec un groupe cible clair et un contenu fort ont le plus de chances de réussir. Pour un magazine urbain comme BRUZZ, la formule peut parfaitement fonctionner : le groupe cible est concentré géographiquement et le contenu est pertinent pour la vie quotidienne dans la ville. En revanche, la formule est moins adaptée aux magazines qui tournent principalement autour de l’autopromotion ou qui n’intéressent que l’annonceur qui finance la publication, comme c’est souvent le cas dans les milieux culinaires.
Une alternative réaliste et abordable
La presse à emporter offre une alternative réaliste et abordable aux coûts de distribution élevés de la presse écrite. À condition que le contenu soit de qualité et que la diffusion soit organisée de manière intelligente, ce modèle peut non seulement donner un nouveau souffle aux petits éditeurs et aux éditeurs de niche, mais aussi enrichir le paysage médiatique avec des publications accessibles, pertinentes et journalistiques. De plus, la presse à emporter peut faire le lien avec les plateformes digitales et ainsi constituer la base d’un modèle médiatique hybride dans lequel le print et le digital se renforcent mutuellement.
Cet article d’opinion a été rédigé par Leo Van Dorsselaer.
À lire aussi
![[WE MEDIA] Distribution de la presse après 2026 : Omnicanal avec le print en tête de liste [WE MEDIA] Distribution de la presse après 2026 : Omnicanal avec le print en tête de liste](https://be.themedialeader.com/wp-content/uploads/2024/02/we-media.jpg)
[WE MEDIA] Distribution de la presse après 2026 : Omnicanal avec le print en tête de liste
Traditionnellement, les éditeurs de magazines atteignaient leurs cibles via ventes au numéro et abonnements, l’imprimé comme pivot. Ce modèle a changé. Contexte et perspectives par Ineke Le Compte (BRUZZ) et Bernard Cools (Space).

À lire plus tard
Vous devez être inscrit pour ajouter cet article à votre liste de lecture
S'inscrire Déjà inscrit ? Connectez-vous