The Media Leader UK : Les données de Barb révèlent la réalité de l’audience de YouTube

Justin Lebbon, consultant et co-fondateur d’Adwanted Events, propose dans cet article pour The Media Leader UK une analyse des données de Barb. Ces données offrent à l’industrie télévisuelle un nouveau récit concernant les spectateurs britanniques de YouTube. Cela changera-t-il le comportement des annonceurs ?
Les données tant attendues de Barb, qui mesurent les 200 chaînes YouTube les plus regardées au Royaume-Uni, ont enfin été publiées. Ces chiffres visent à fournir un contexte en comparaison avec la manière dont la télévision est traditionnellement mesurée.
Tout le monde — les consommateurs, les acheteurs médias, les petites entreprises — utilise YouTube à un certain degré. C’est un outil incroyablement puissant qui pourrait devenir encore plus précieux avec plus de transparence et de compréhension.
À mon avis, cet effort est né lorsque Google a décidé d’appeler YouTube une « télévision ». Cela a incité Barb, en tant qu’organisme de mesure commun de l’industrie (JIC), à vouloir rétablir un certain équilibre.
Le débat reste ouvert chez les acheteurs médias : YouTube est-il vraiment de la télévision ? Comment doit-on le mesurer ? Et Google doit-il rejoindre les JIC de confiance ?
Que montrent les données de Barb ?
Le chiffre le plus marquant : seule une petite partie des vues sur YouTube provient des 200 chaînes les plus populaires. Cela soulève la question : que regardent les gens sur YouTube ? Il est clair que la « longue traîne » génère la majorité de l’audience sur la plateforme.
Le contenu pour enfants domine YouTube sur les écrans TV
Les données de Barb révèlent que les enfants — en particulier les très jeunes — sont les principaux moteurs de la consommation de YouTube sur les téléviseurs au Royaume-Uni.
Le JIC a rendu publique la liste des 20 premières chaînes, les 180 suivantes étant derrière un mur payant. Parmi les 20 premières, 15 sont destinées aux enfants, et je parle ici de très jeunes enfants.
Les parents utilisent clairement YouTube sur la télé pour occuper leurs tout-petits pendant qu’ils cuisinent, nettoient ou prennent une pause. En tant que père de quatre enfants, je peux le confirmer : j’y suis passé.
Presque toutes ces chaînes s’adressent aux enfants de 18 mois à 5 ans — pas exactement le cœur de cible idéal pour les annonceurs. On peut argumenter que les parents sont présents dans la pièce, mais c’est un pari risqué. La plupart des contenus sont insupportables pour les adultes — on les tolère uniquement parce qu’ils apaisent des enfants difficiles.
J’ai travaillé avec de grandes marques qui se demandaient où leurs pubs YouTube étaient diffusées. Elles découvraient souvent qu’elles étaient affichées sur du contenu pour enfants. Ces données confirment ce que beaucoup soupçonnaient depuis longtemps sans pouvoir le prouver.
Des stratégies plus réfléchies sont nécessaires
On oublie souvent pourquoi la publicité télévisée est si puissante et difficile à reproduire. C’est parce qu’elle permet de toucher une audience massive en une seule fois, dans un environnement partagé. Cet impact génère des visites en magasin la même semaine, des ventes directes et un effet culturel fort. C’est pourquoi le Super Bowl reste aussi efficace.
À la lumière des données de Barb, il semble très difficile, voire impossible, de reproduire cet effet uniquement via YouTube. Cela rappelle aux acheteurs médias qu’ils doivent aborder YouTube avec une stratégie mieux informée.
Jonathan Waite, EVP et responsable mondial de la planification chez Havas Media Network, l’exprime ainsi :
“Le travail de Barb est une avancée bienvenue pour démystifier le rôle de YouTube dans l’écosystème vidéo. Les données confirment ce que beaucoup dans le secteur soupçonnaient déjà : que la consommation de YouTube est extrêmement fragmentée, tirée par la longue traîne et non par des chaînes dominantes. Cette transparence est essentielle pour prendre des décisions d’investissement éclairées.”
Il n’est pas anodin que Barb publie ces données au moment où Google a quasiment cessé de soutenir l’organisme. Certains y voient une goutte d’eau qui fait déborder le vase. Mais qu’est-ce que Google craint ? Beaucoup de ces données ne font que confirmer ce que les acheteurs pensaient déjà.
“Je ne pense pas que YouTube veuille vraiment être considéré comme de la “télévision”, mais il veut capter les budgets publicitaires liés à cette audience”, ajoute Waite.
“Si YouTube veut rivaliser pour ces budgets, il doit accepter d’être mesuré selon les standards de la télévision. Le retrait du soutien de Google à Barb juste avant cette publication est décevant — cela montre une réticence à assumer une responsabilité qui profiterait pourtant à l’ensemble de l’écosystème.”
Ce n’est un secret pour personne que YouTube cherche à capter des budgets traditionnellement destinés à la télévision. Et on ne peut pas blâmer les chaînes de défendre leur part en publiant des données.
Les avis sont partagés sur l’efficacité de cette stratégie. Certaines marques déplacent des budgets de la TV vers YouTube, mais les experts des données et des budgets n’observent pas encore de changement massif.
Mon avis : l’effet commence à se faire sentir, mais reste limité — pour l’instant.
Kelly Williams, directeur commercial d’ITV, soutient cette avancée vers plus de transparence, et le rôle de Barb pour établir un standard commun aux différentes plateformes vidéo :
“Barb élargit de manière stratégique ses mesures de référence aux plateformes VOD et de partage vidéo, en plus de la TV. Bien que cette première publication ne couvre que 200 chaînes YouTube — soit seulement 0,3 % de l’ensemble du visionnage — c’est un premier pas important. Une mesure indépendante et transparente du contenu YouTube est essentielle et devrait être accueillie favorablement par les annonceurs, les diffuseurs et les régulateurs.”
Buzz international vs réalité locale
YouTube aime afficher de grands chiffres globaux, mais ceux-ci ont peu de valeur tant qu’ils ne sont pas ventilés par marché. Google n’est pas le seul à se laisser séduire par les statistiques de vanité, mais celles-ci brouillent les pistes pour les marketeurs.
Prenez MrBeast, une superstar de YouTube avec plus de 400 millions d’abonnés, présent même aux “upfronts” publicitaires. Mais entre perception et réalité, il y a un fossé : au Royaume-Uni, sa chaîne ne touche que 319 000 téléspectateurs TV hebdomadaires (4+), soit à peu près autant que BBC3 Parliament.
C’est le parfait exemple de l’écart entre engouement mondial et réalité locale/démographique. YouTube continuera de vendre des chiffres globaux, mais les données locales racontent une autre histoire.
Ross Sergeant, directeur mondial des médias chez Allwyn, fait une analogie percutante :
“Ce “reach” mondial me rappelle l’époque où, au début des années 2000, on achetait le flux global de CNN : c’était la plus grande chaîne d’info au monde, mais jamais la plus importante dans un seul marché. Ça rendait bien dans un PowerPoint, c’est tout. “
Il critique aussi l’approche de Barb, qui utilise un format “top 200 chaînes”, une logique télévisuelle appliquée à une plateforme qui ne fonctionne pas ainsi.
« Ce sont les algorithmes, pas les chaînes, qui dictent la découverte sur YouTube. On zappe beaucoup, et les données “top 200” ne reflètent pas le vrai comportement de longue traîne.
Les gens ne consomment pas YouTube comme la télévision. Comme TikTok ou Instagram, l’algorithme choisit la prochaine vidéo, ou on retourne vite à la recherche. Même sur la télé, on saute beaucoup de contenus.
Pour moi, un “top 200” n’a aucune utilité. L’idée d’intégrer les données YouTube dans les rapports Barb partait d’une bonne intention, mais n’est pas aussi éclairante qu’espéré. »
Sergeant considère YouTube comme une plateforme de vidéo sociale, pas comme une chaîne télé. Je ne suis pas totalement d’accord avec lui.
YouTube se positionne comme de la TV, donc une comparaison est justifiée — et les diffuseurs doivent continuer à souligner les différences. Je suis surpris que certains trouvent ces données peu révélatrices.
Waite est du même avis et souligne que YouTube n’est pas consommé comme la TV, mais que cela n’a pas d’importance :
“YouTube est une bête fondamentalement différente de la télé linéaire. Ce n’est pas construit autour de moments planifiés et partagés, mais c’est un vaste univers algorithmique de micro-communautés et d’intérêts de niche.
C’est justement ce qui fait son attrait. L’échelle mondiale est indéniable, mais elle est répartie sur une énorme diversité de contenus, sans concentration autour de programmes phares.
En ce sens, YouTube est à l’opposé de ce que l’on considère traditionnellement comme de la “télévision”.”
La vue d’ensemble
Les plateformes sociales se vendent sur des résultats et des KPI, et beaucoup de clients sont satisfaits tant que les chiffres paraissent bons. Mais ignorer où les publicités apparaissent réellement est une erreur, selon moi.
Ian Whittaker, analyste médias reconnu, l’a aussi souligné :
“Les données de Barb révèlent un risque pour YouTube à vouloir tout faire pour tout le monde.
Même ses plus grandes stars ne font pas les audiences de la télévision, et il risque d’être dépassé par TikTok sur le plan social. Il devra bientôt choisir une voie plus claire.”
En fin de compte, YouTube se comporte toujours comme une plateforme de vidéo sociale, même s’il convoite les budgets de la TV. Les acheteurs sont divisés : ils apprécient les nouvelles données, mais rappellent aussi que YouTube ne se consomme pas comme de la télévision.
Comme Waite le résume :
« Tenter de mesurer YouTube avec une logique télé linéaire rate la subtilité. La découverte est algorithmique, les flux personnalisés, les spectateurs entrent et sortent rapidement.
Mais, à la différence de TikTok, YouTube propose aussi du contenu long et une économie robuste de créateurs.Cela en fait un hybride — ni totalement TV, ni totalement vidéo sociale. »
Pour l’instant, Barb a offert à l’industrie télé un nouveau récit, appuyé par des données concrètes. Cela changera-t-il les comportements des annonceurs ? C’est une tout autre question.
Source : The Media Leader UK.
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