(Interview) Ludovic de Barrau et Alex Thoré (VIA) : « Dans un monde dominé par les plateformes mondiales, les médias locaux restent les véritables Super Touchpoints »
                          The Media Leader BE s’est entretenu avec Ludovic de Barrau (Secrétaire général) et Alex Thoré (Président) de VIA (Association of AV Media) qui rappellent la force et la pertinence des médias locaux dans un paysage de plus en plus dominé par les plateformes internationales.
Alex Thoré : “Les médias locaux offrent des avantages uniques : ils sont extrêmement fiables et constituent des points de contact forts pour les marques. C’est pourquoi nous mettons en avant leur brand safety et la puissance de la combinaison entre télévision et radio. Ces constats s’accordent parfaitement avec les analyses d’Andrew Tindall (System 1), qui identifie les médias locaux tels que la télévision et la radio comme de véritables super touchpoints : ils renforcent à la fois la construction de la marque et les résultats à court terme.”
Ludovic de Barrau : “Les acteurs internationaux comme TikTok ou Meta sont encore confrontés à des problèmes de modération et à la diffusion de fausses publicités. Les médias locaux, eux, sont beaucoup plus sûrs et jouissent d’une plus grande confiance. En période de crise ou de conflit, on constate que l’influence négative peut se propager via les plateformes internationales, alors que les médias locaux échappent largement à ce risque. Les chiffres de RTL Ad Alliance (2025) l’illustrent clairement : 67% des publicités à la radio et 66% à la télévision sont perçues comme crédibles, contre seulement 34% sur Instagram, 31% sur Facebook et 23% sur TikTok.”
Thoré : “L’importance des médias locaux se voit aussi dans leur portée : les chaînes flamandes atteignent plus de la moitié de la population via des plateformes de streaming comme VRT MAX, VTM GO et Play, tandis que 70% du temps d’écoute audio en Flandre est consacré à des contenus locaux. En d’autres termes, les médias belges permettent de toucher quasiment toutes les cibles.”

Si l’on regarde ces chiffres et avantages, peut-on dire que les médias locaux ont également un fort impact sur la société et l’économie ?
Thoré : “Investir dans les médias locaux a un triple effet positif : cela améliore le rendement global du marketing des marques, renforce l’ensemble de l’écosystème médiatique et contribue à préserver notre culture et nos valeurs.”
de Barrau : “L’impact des médias locaux est bien plus important qu’on ne le pense, et cela se traduit dans les chiffres. L’industrie publicitaire belge génère chaque année, directement et indirectement, 16,4 milliards d’euros, soit 2,8% du PIB. Les médias locaux sont donc non seulement économiquement pertinents, mais aussi stratégiquement essentiels pour le pays.”
Thoré : “Quand on voit ces chiffres, on peut affirmer que les médias sont aussi importants pour un pays que l’énergie ou la défense. Ils devraient être considérés comme un projet stratégique. Cela implique une politique tournée vers l’avenir, qui soutienne les acteurs locaux et encourage la coopération. C’est la seule manière de préserver notre autonomie médiatique dans un marché de plus en plus dominé par les plateformes internationales.”
Quel est le rôle de VIA face à ces défis et opportunités ?
Thoré : “VIA joue un rôle de pont essentiel entre le marché belge et le contexte international. En partageant à la fois des insights locaux et globaux, nous aidons les annonceurs et les agences à prendre des décisions plus éclairées. Trop souvent, on se réfère à des benchmarks américains ou britanniques, alors que le marché belge fonctionne fondamentalement différemment. Nous avons besoin d’informations locales et internationales pour établir des comparaisons équitables. Pour maintenir cet équilibre, nous misons fortement sur le partage de connaissances : nous publions chaque mois les Power Slides et menons des études approfondies comme Video Observers ou CIM Audio Time, qui analysent la consommation médiatique belge.”
de Barrau : “Il ne s’agit pas de rejeter les plateformes internationales, mais de préserver un équilibre sain. Investir dans les médias locaux, c’est leur permettre de se développer et de maintenir la diversité de l’offre. Si cet équilibre se rompt, c’est tout le système qui s’affaiblit.”
L’intelligence artificielle et l’automatisation sont aujourd’hui des sujets brûlants dans le monde des médias et du marketing. Quel rôle attribuez-vous à ces technologies, et comment s’articulent-elles avec la créativité et l’émotion humaines ?
Thoré : “L’IA et l’automatisation augmentent la productivité et l’efficacité en prenant en charge les tâches répétitives et en accélérant le traitement des données. Cela libère du temps pour la créativité et les valeurs humaines. L’IA nous permet de concevoir – avec les marketeurs, les créatifs et les médias locaux – des formats uniques. La technologie ne remplace pas l’humain, elle renforce ce qui nous distingue : l’émotion, la créativité et la collaboration.”
À quoi ressemble l’avenir de VIA et sur quels projets l’organisation travaille-t-elle actuellement ?
Thoré : “Pour renforcer encore la position des médias locaux, nous souhaitons créer une plateforme commune d’achat. Elle doit rendre les médias belges plus accessibles, mesurables et efficaces, afin qu’ils puissent rivaliser avec les acteurs internationaux. Nous commencerons par la vidéo en ligne, mais cela pourrait devenir la base d’un déploiement plus large à l’avenir.”
Il précise que VIA a établi une liste stratégique de projets visant à soutenir le secteur audiovisuel local. “En concertation avec nos membres, nous avons déterminé les actions nécessaires pour maintenir 70% de parts locales d’ici 2030. Chaque membre a évalué les priorités, et la plateforme d’achat commune est ressortie comme le projet numéro un. C’est un accord historique qui va structurer durablement la collaboration entre les régies belges.”
de Barrau : “En parallèle, nous continuons à miser sur la connaissance et les données. Nous soutenons des initiatives comme CIM ONE, une mesure crossmédia financée collectivement par les membres de VIA. Elle fournit des informations fiables sur la consommation médiatique locale et sert de base aux décisions stratégiques des annonceurs et des agences. En combinant technologie et coopération, nous rendons les médias locaux à la fois mesurables et compétitifs, tout en maintenant un écosystème sain et durable.”
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