L’avenir de la vidéo se joue à Bruxelles : ce qu’il faut retenir de The Future of Video

Après Paris et Londres, The Future of Video s’est tenu cette année pour la première fois à Bruxelles. Organisé par The Media Leader et MediaSpecs, l’événement a réuni plus de 160 professionnels des médias, venus de Belgique et d’ailleurs, pour réfléchir à l’avenir de la télévision, du streaming et de la télévision connectée.
Les sessions, orchestrées par Bart De Pauw (CBIO, WPP Media & RD Choreograph), ont alterné tables rondes, interviews et études de cas inspirantes, offrant un panorama riche et concret des grandes mutations du secteur.
Les exemples belges et français ont été replacés dans un contexte international, avec un regard attentif sur les tendances clés : fragmentation des audiences, montée en puissance de la “plateformisation” et quête constante d’attention, de rentabilité et de brand safety.
Erwin Lapraille (RTL Belgium) : « Construire une communauté commence par des partenariats locaux forts et des contenus ancrés »
Dans l’interview d’ouverture, Erwin Lapraille, directeur Media TV chez RTL Belgium, a insisté sur un message central : le contenu local reste une arme puissante pour fédérer les communautés. Face à des plateformes internationales omniprésentes, ce sont les histoires locales qui créent la reconnaissance et l’engagement du public. Les programmes qui réussissent vont au-delà du divertissement, ils allient information, émotion et interaction, impliquant activement le spectateur.
Lapraille reconnaît toutefois que la production locale reste un défi, notamment à cause de budgets limités. Il plaide pour des coopérations plus nombreuses, plus rapides et plus intelligentes entre acteurs des médias. La coproduction This is Not a Crime, réalisée avec Proximus et la VRT, illustre parfaitement comment la mise en commun des ressources et des savoir-faire peut aboutir à un contenu à fort impact.
« Le téléviseur est bel et bien vivant »
Sofie Sue Rutgeerts, Senior Manager chez egta, partage cette conviction : la télévision locale conserve un rôle central.
Elle a rappelé la pression croissante qui pèse sur le secteur, alors que les budgets publicitaires migrent vers des plateformes générant peu d’attention réelle et que les audiences saturent face à la surabondance de messages commerciaux. Rutgeerts appelle à réinventer le récit de la télévision, pour remettre en avant ses atouts distinctifs : l’attention, la qualité et la connexion humaine.
Selon elle, la télévision demeure le cœur battant du paysage médiatique, un environnement premium où se rencontrent communauté, engagement et impact. Sa recommandation : simplicité, crédibilité et fierté dans la collaboration.
Sofie Sue Rutgeerts (egta) souligne la force de la télévision locale © Corentin Bonnin
Connected TV : un acteur plus stratégique que jamais
Les données de la Belgian Streaming Monitor (WPP Media), présentées par Bart De Pauw, confirment la montée en puissance de la Connected TV (CTV), devenue un atout majeur pour les chaînes locales.
L’usage du BVOD (Broadcaster Video on Demand) sur les plateformes CTV ouvre de nouvelles perspectives. Si le prix et l’offre restent des critères déterminants pour les spectateurs, le contenu local gagne nettement en importance. Les services VRT MAX et VTM GO atteignent ensemble un potentiel de couverture hebdomadaire presque équivalent à celui de YouTube, preuve de l’impact du local.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le BVOD affiche une portée quotidienne de 16%, contre 14% pour YouTube ; sur une base hebdomadaire, il atteint 35% contre 28%, et sa portée totale s’élève à 44%, surpassant ainsi les 38% de YouTube. Ces résultats confirment que BVOD et CTV ne se contentent pas de compléter la télévision traditionnelle, ils en deviennent les leviers stratégiques, combinant portée, engagement et impact.
Le premier écran, nouvel espace de puissance : l’exemple du CTV HomeScreen
Julie Hervens, Sales Director chez Teads, a présenté le Teads CTV HomeScreen, un format publicitaire innovant qui s’affiche dès l’allumage du téléviseur connecté. Dans un univers fragmenté, ce HomeScreen devient la nouvelle porte d’entrée vers la télévision, offrant aux marques une visibilité maximale dès les premières secondes.
Les utilisateurs y passent en moyenne 33 secondes, un moment clé pour capter leur attention. Grâce à l’intégration des données propriétaires des constructeurs (OEM) et à la reconnaissance automatique de contenu (ACR), les marques peuvent atteindre des audiences inédites, y compris via les smart TV, consoles de jeux et box de streaming.
Les données propriétaires, clé d’une vidéo plus performante
Plusieurs intervenants ont souligné le rôle décisif de la first-party data dans les stratégies vidéo.
Pour Ann-Sophie Libbrecht, Innovation Manager chez Ads & Data, la « mesure closed-loop » permet désormais d’aller au-delà du simple clic pour évaluer l’impact réel sur les ventes. En reliant données de campagne et données d’achat, les marques peuvent identifier précisément ce qui génère la conversion. De plus, l’usage d’audiences similaires (lookalike) optimise la portée vers des profils proches des clients existants, rendant les campagnes à la fois plus efficaces et plus efficientes.
Chez Mobile Vikings, la technologie de données a également joué un rôle clé. The Trade Desk et WPP Media ont utilisé la Identity Alliance, un système avancé d’identification cross-device, même dans un environnement sans cookies. Résultat : un ciblage précis, des expériences personnalisées et un engagement renforcé.
Quinten Galle (DPG Media) a présenté de son côté le DPG DataLab et ses Retail Data Partnerships, notamment avec Carrefour et Tom&Co via Unlimitail. Ces collaborations permettent d’enrichir les campagnes avec des insights d’achat, pour une planification et une activation média plus intelligentes et respectueuses de la vie privée.
Mathieu Réol (Trade Desk) et Julie Mathieu (WPP Media) présentent Identity Alliance © Corentin Bonnin
Fragmentation : contrainte ou moteur d’innovation ?
Lors du panel, Hugues Rey (Havas Belgium), Edouard Schmidt (Magnite France) et Mathieu Réol (The Trade Desk Belgium) ont rappelé que la fragmentation du paysage média n’est pas un frein, mais une opportunité d’innover.
Hugues Rey a insisté sur la mesure précise de la performance : comprendre le véritable ROI de chaque point de contact (télévision linéaire, CTV, BVOD ou social video) permet de dépasser l’intuition pour s’appuyer sur des données solides.
Edouard Schmidt a montré comment Magnite permet aux éditeurs locaux d’accéder à des solutions adtech avancées sans supporter les coûts d’un développement interne, favorisant ainsi l’efficacité et la compétitivité sur les marchés belge et français.
Bart De Pauw, Hugues Rey, Mathieu Réol et Édouard Schmidt lors du panel © Corentin Bonnin
Du côté de la mesure d’audience, Koenraad Deridder (CIM) et Martyn Bentley (AudienceProject) ont souligné l’urgence d’une mesure cross-média. Le CIM ONE vise une approche centrée sur le consommateur, intégrant les différents canaux pour une vision complète des usages médiatiques. Bentley a rappelé que cette approche est essentielle pour comprendre l’effet combiné des médias et optimiser les décisions budgétaires.
Enfin, Laurence Pera (TF1 Group) a illustré comment la collaboration entre TF1 et Netflix démontre que la fragmentation peut devenir un levier d’innovation : elle favorise la diffusion plus large de contenus premium, ouvre de nouveaux formats publicitaires et incite chaînes traditionnelles et plateformes à travailler main dans la main.
Martin Andree (Université de Cologne) : « Il faut en finir avec le mystère de l’inaction des médias »
La conférence de clôture, donnée par Martin Andree, professeur en sciences des médias à l’Université de Cologne, a marqué la fin de cette première édition de The Future of Video Brussels. Andree a lancé un appel à l’union des forces locales face à la monopolisation croissante des grands acteurs internationaux et à la montée du populisme dans le secteur des médias, soulignant que seule la coopération permettra de protéger l’ensemble des couches de la société.
Il a également proposé plusieurs mesures concrètes pour rendre l’internet et le paysage médiatique plus libres : garantir la liberté des liens sortants sur les plateformes, promouvoir des standards ouverts et l’interopérabilité, instaurer une séparation économique entre la transmission et le contenu, limiter la part de marché à 30%, y compris pour les médias numériques, et interdire la monétisation de contenus illégaux. Ces initiatives visent à renforcer les projets locaux et à assurer durablement l’indépendance des médias.
À Bruxelles, une chose est apparue clairement : ceux qui misent sur la collaboration, la donnée et les récits locaux construisent un écosystème vidéo prêt pour l’avenir. La fragmentation n’a pas à être perçue comme une menace ; elle peut au contraire devenir un puissant moteur d’innovation, à condition que les acteurs du secteur continuent à tisser des liens, partager leur savoir et placer le spectateur au centre de leurs stratégies.

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