La BMMA inspire avec un débat sur le marketing sociétal : comment les marques contribuent au changement durable

Le mardi 17 juin 2025, une conférence inspirante organisée par la BMMA s’est tenue à la Solvay Brussels School, autour du rôle des marques dans un monde en mutation rapide. Intitulée « Societal Marketing: Flop, Revolution or Illusion? », elle a réuni cinq experts pour débattre de la question suivante : les marques contribuent-elles réellement au changement sociétal ou servent-elles avant tout leurs propres intérêts ?
Le débat a rassemblé un panel diversifié et inspirant de personnalités :
-
Hugues Rey, CEO de Havas Belgium et président de la BMMA
-
Adélaïde Charlier, militante climatique et cofondatrice de Youth for Climate
-
Anne-Catherine Trinon, directrice générale de CAP Conseil
-
Fons Van Dyck, expert en stratégie d’entreprise de renommée internationale
-
Olivier Van Cauwelaert, militant en faveur de l’entrepreneuriat durable et social, cofondateur de la coopérative Färm
Hugues Rey a ouvert la conférence en présentant les résultats de l’étude annuelle Meaningful Brands menée par Havas Media. Celle-ci révèle une forte inquiétude à l’échelle mondiale : 70% des personnes interrogées estiment que le monde est en crise. Néanmoins, Hugues Rey a invité le public à dépasser ces chiffres alarmants. En effet, 59% des sondés croient en un avenir meilleur, avec moins de crises, et 57% considèrent l’innovation comme un levier essentiel de progrès.
Rey a ensuite présenté cinq axes concrets permettant aux marques de jouer un rôle positif dans la société actuelle :
- Proposer des solutions pratiques qui ont un réel impact
- Innover avec responsabilité et vision
- Placer le bien-être au centre, pour tous
- Donner du sens à chaque dimension de la marque
- Investir dans le lien social et le sentiment d’appartenance
Après les enseignements tirés de l’étude Meaningful Brands, le débat, animé par le stratège en identité de marque Alain Mayné, a débuté.
Marketing à impact sociétal
Alain Mayné a ouvert la discussion en interrogeant les intervenants sur les critères à remplir pour que le management et le marketing puissent être considérés comme socialement responsables.
Anne-Catherine Trinon a souligné l’importance de la conscience de la chaîne de production : “Il ne s’agit pas seulement de répondre aux besoins du consommateur final, mais d’évaluer l’impact humain et environnemental à chaque étape.” Elle a aussi pointé les conséquences des pressions économiques :
“Les agences font face à des marques qui exigent des prix toujours plus bas, ce qui affecte les salaires. Les marques doivent prendre davantage de responsabilités.”
Adélaïde Charlier a appuyé ce propos, en insistant sur la nécessité d’ajuster en permanence les services aux besoins réels de la société. Elle s’est dite préoccupée par la logique de rentabilité excessive :
“Si le seul but du marketing est de vendre toujours plus, même en l’absence de demande réelle, alors cela devient très problématique.”
Fons Van Dyck a quant à lui mis en avant l’importance du lien : “Les marques porteuses de sens qui investissent dans la connexion humaine performent bien mieux. Cette dimension doit redevenir centrale.”
Il a aussi soulevé la question de la responsabilité politique : “Où sont les jeunes pour faire entendre leur voix ?” Adélaïde Charlier a alors exprimé sa crainte face à la montée de l’extrême droite et à la désaffection politique de la jeunesse : “Il y a quelques années, les jeunes descendaient massivement dans la rue pour défendre leurs valeurs. Aujourd’hui, ils se sentent abandonnés par le système politique.“
Elle voit cependant un grand potentiel dans les marques capables d’informer et de mobiliser les citoyens : “L’optimisme est essentiel, mais il doit s’accompagner de réalisme. Les gens doivent savoir à quoi s’attendre pour pouvoir agir en conséquence.”
Vers une redéfinition du profit : privilégier le bien-être sociétal à la croissance économique
En conclusion, Hugues Rey a posé une question provocatrice : “Peut-il exister une économie sans croissance mais avec du profit ?” Olivier Van Cauwelaert a répondu en distinguant le profit purement financier d’autres formes de richesse : bien-être, cohésion sociale, sécurité alimentaire, résilience écologique. Selon lui, repenser le profit en ces termes rend le modèle viable.
Fons Van Dyck a reconnu que le profit reste un moteur essentiel dans l’économie actuelle : “C’est lui qui stimule l’innovation, qui elle-même est à l’origine des transformations de société les plus profondes.” Il a toutefois souligné l’équilibre complexe à atteindre :
“Il est essentiel de trouver un équilibre entre, d’une part, la préservation durable de la planète et, d’autre part, le maintien du pouvoir d’achat des citoyens.”
Fons Van Dyck, Alain Mayné, Olivier Van Cauwelaert, Anne-Catherine Trinon & Adélaïde Charlier pendant le débat
Des grands mots, de petits actes ? Entre greenwashing et véritable impact
Le débat a également été marqué par une question provocante du public : certaines marques continuent à recourir au greenwashing dans leurs campagnes marketing. Cela donne l’illusion, pour les consommateurs, que des changements importants sont en cours et que les grandes entreprises prennent réellement des mesures durables alors que, dans les faits, ces efforts se limitent souvent à des gestes minimes, parfois simplement symboliques.
Olivier Van Cauwelaert a souligné combien il est important que les petites entreprises continuent d’investir dans la communication et le marketing. Il collabore notamment avec Farm for Good, une initiative qui soutient les structures locales à taille humaine. “Dans notre communication, nous insistons sur la différence entre nos produits et ceux issus de l’industrie, afin de sensibiliser les consommateurs et les inciter à réfléchir“, explique-t-il.
Adélaïde Charlier partage cette vision, mais rappelle que les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tous.
“Il est évident que certaines marques disposent de budgets marketing colossaux, qu’elles utilisent parfois encore à des fins de greenwashing. Les petits projets pourraient bénéficier du soutien d’investisseurs, mais dans la réalité, nombre d’entre eux échouent par manque de moyens.”
Les intervenants ont également souligné que le greenwashing est de plus en plus pris au sérieux par les entreprises comme par les régulateurs. Les marques qui s’y livrent s’exposent à des sanctions plus strictes et à une perte de crédibilité.
Des marques engagées commencent par des individus engagés
La dernière question du débat portait sur les actions concrètes que peuvent entreprendre les marques pour générer un changement structurel, et sur les acteurs clés de cette transformation.
Olivier Van Cauwelaert a affirmé sa foi envers les individus qui se trouvent derrière les marques : “Une marque n’existe pas toute seule. Elle est portée par des individus visionnaires, désireux d’avoir un impact.” En tant qu’investisseur, il cherche activement des porteurs de projets sincères, innovants et socialement engagés.
Hugues Rey a abondé dans ce sens, appelant les professionnels du marketing à réfléchir en permanence à leur rôle et à leur responsabilité :
“Pour changer le système, il faut d’abord bien le comprendre.” Il a encouragé le secteur à investir dans la formation continue.
Certaines voix critiques du public ont reconnu l’importance des marques, tout en soulignant que cela ne suffit pas à transformer le système en profondeur : “Une communication bien pensée est utile, mais elle ne règle pas à elle seule les problèmes systémiques.”
Fons Van Dyck a conclu en appelant à une collaboration renforcée entre les sphères économique, politique et citoyenne :
“Je partage l’idée que ce sont les individus, derrière les marques ou en politique, qui font avancer les choses. Mais n’oublions pas que nous évoluons dans un cadre structurel plus large. Il faut oser croître, s’organiser, et sortir de nos silos.“
Pas une fin, mais un commencement : un marketing tourné vers demain
La conférence de la BMMA “Societal Marketing: Flop, Revolution or Illusion?” a ouvert un dialogue riche et nuancé sur le rôle des marques dans un monde en pleine mutation. Ce qui en ressort clairement, c’est que le marketing porteur de sens exige bien plus que des campagnes inspirantes : il suppose un engagement durable, une vision de long terme et une coopération active entre entreprises, politiques et citoyens. Les marques peuvent devenir des leviers puissants de transformation collective, pourvu que leurs valeurs soient fondées sur la sincérité des intentions, la communauté et la force des individus.
Cette conférence n’était pas une conclusion, mais un appel à poursuivre la conversation entre secteurs, disciplines et générations, car l’avenir du marketing ne réside pas dans le fait de vendre plus, mais dans celui de contribuer mieux.
À lire aussi

À travers son séminaire Societal Marketing, la BMMA interroge la responsabilité sociale des marques
La BMMA organise le 17 juin un événement en direct sur le marketing sociétal, un thème clé dans le paysage marketing actuel. Cinq experts y débattront du rôle des marques dans une société en pleine transition.

À lire plus tard
Vous devez être inscrit pour ajouter cet article à votre liste de lecture
S'inscrire Déjà inscrit ? Connectez-vous